Expertise : durée de vie
Estimer la durée de vie d’un produit
Estimer la durée de vie d’un produit est au cœur des préoccupations du bureau d’études d’Ino-Rope. L’enjeu est de mieux comprendre quels sont les paramètres qui, dans des conditions normales d’utilisation du cordage, affectent sa longévité.
Rupture d’un cordage : une approche scientifique
Dans des conditions normales d’utilisation, un cordage casse rarement à cause d’un chargement qui dépasse sa charge de rupture, des coefficients de sécurité étant appliqués pour éviter cette situation. Précurseur dans l’expertise des cordages et des fibres qui les constituent, Ino-Rope dispose depuis 2020 d’un banc de traction qui permet de réaliser des tests de rupture jusqu’à 20 tonnes. Les résultats ne sont cependant pas toujours faciles à interpréter : “une des problématiques dans l’analyse des faciès après rupture est qu’une forte énergie a été relâchée d’un coup, ce qui provoque la fusion des fibres, explique Yoan, expert scientifique et référent expérimental chez Ino-Rope. Dis autrement : on se retrouve avec un morceau de cordage défoncé dans chaque main à se demander pourquoi il a cassé prématurément (mauvais équilibre de la tension entre les différents fuseaux, dégressif trop brusque, jonction de fuseau, abrasion, fluage…).”
Pour comprendre les raisons de la casse d’un cordage en deçà de sa charge de rupture et donc pour avoir une approche plus proche de la réalité, avec des données chiffrées exploitables, il est nécessaire de faire appel à des machines spécifiques capables d’effectuer des tests par cyclage (cycles répétés de mise en tension/détente), une méthode qui demande beaucoup de temps et donc de l’argent. Le banc de traction d’Ino-Rope n’étant pas conçu pour effectuer un nombre important de cyclages, le bureaux d’études, en partenariat avec l’IFP Énergies Nouvelles et l’Ifremer, a mené plusieurs campagnes de tests. En parallèle, Ino-Rope développe sa propre machine de test de résistance à l’abrasion dans le but d’améliorer ses connaissances sur l’usure des cordages et donc mieux anticiper la durée de vie de ses solutions textiles.
10 paramètres diminuant la durée de vie d’un cordage
La liste n’est pas exhaustive et tous les dommages cités n’ont pas le même niveau de prépondérance mais voici dix paramètres qui raccourcissent la durée de vie d’un cordage dans des conditions normales d’utilisation (on exclue par exemple la casse à cause d’une tension supérieure à la charge de rupture) :
- L’exposition aux UV est un facteur très important d’accélération du vieillissement du matériau même si toutes les fibres n’ont pas la même sensibilité aux UV : le polypropylène et les aramides (Kevlar, Technora) y sont par exemple très sensibles, le polyester et le polyéthylène haut module (HMPE) beaucoup moins.
- L’abrasion interne est un des mécanismes prépondérant limitant la durée de vie des cordages dans des conditions optimales : l’abrasion interne ou auto-abrasion est particulièrement importante sur des aussières par exemple, à cause du mouvement permanent du cordage. Le degré d’abrasion dépend du type de fibres, de l’amplitude de chargement et du type de chargement.
- L’abrasion externe liée aux frottements causés par le passage autour des tambours, dans les bloqueurs, les renvois etc. C’est un paramètre important dans l’usure des cordages qui réduit la durée de vie de ces derniers ou détermine le remplacement de la gaine de protection.
- Le fluage, qui correspond à la déformation du matériau au cours du temps à une charge donnée (c’est un phénomène en assez long en général). Il est négligeable en dessous d’une certaine charge car la vitesse à laquelle le cordage se déforme est très faible. Cependant pour des applications nécessitant des longueurs précises et/ou des charges importantes, il est nécessaire de qualifier le fluage ou de choisir le bon matériau car il provoquerait un écart de longueur important ou même la rupture du cordage.
- La fatigue des filaments, qui commence à intervenir au-delà de 60% de la charge de rupture du cordage. Les filaments s’abîment alors de manière irréversible par casse des liaisons du polymère. Ce facteur dégrade fortement la durée de vie du produit mais les cordages sont rarement utilisés en cyclage à des efforts aussi importants et sur des grands nombres de cycles.
- La compression axiale (flambement local), qui concerne surtout les aramides (Kevlar, Technora). Les cordages en aramides doivent en effet toujours rester sous charge et ne doivent pas être soumis à de forts rayons de courbure pour éviter la pliure des fibres qui entraîne une chute de la résistance du câble textile.
- L’échauffement par cyclage (le cyclage correspond aux cycles répétés de mise en tension/relâchement d’un cordage), qui modifie les propriétés des fibres. Ce phénomène d’échauffement au cœur du cordage augmente avec le diamètre, le taux de compaction ou encore le pas de tressage, la chaleur ayant plus de mal à s’évacuer. L’échauffement par cyclage peut faire chuter la charge de rupture ou accélérer le fluage.
- Le vieillissement chimique par interaction avec des solvants induisant une modification chimique de la structure du matériau.
- Le vieillissement humide par interaction du matériau avec l’eau présente dans l’environnement, peu présent sur les plastiques issus de la pétrochimie (comme le PET) mais mais pouvant survenir sur les plastiques biodégradables (type PLA, Viscose, PHA, PHB).
- Le vieillissement biochimique par interaction du polymère avec des organismes vivants (bactéries, moisissures, etc. ). Pour l’instant peu importante, cette problématique pourrait s’accentuer dans le futur avec le recyclage du plastique par des bactéries.
Mieux anticiper la fin de vie d’un câble textile
En tant que fabricant de câbles textiles, le calcul précis de la durée de vie des produits est un enjeu crucial, en particulier dans les domaines maritime et industriel où la fiabilité est primordiale. Une meilleure maîtrise de ce calcul permet à Ino-Rope d’anticiper la fin de vie de ses produits, ce qui présente plusieurs avantages :
- Amélioration de la fiabilité : en comprenant mieux les facteurs qui affectent la longévité des cordages (comme l’exposition aux UV, l’abrasion, l’échauffement par fatigue, et le fluage), le bureau d’études peut concevoir des produits plus durables et résistants.
- Optimisation de la maintenance : une estimation précise de la durée de vie permet de planifier des interventions de maintenance préventive, réduisant ainsi les risques de défaillance en service.
- Innovation produit : les données recueillies sur la durée de vie des produits peuvent orienter la recherche et le développement vers des solutions plus performantes et innovantes.
- Satisfaction client : en fournissant des informations fiables sur la durée de vie attendue des produits, Ino-Rope renforce la confiance de ses clients et peut se démarquer sur un marché concurrentiel.
Pour atteindre ces objectifs, Ino-Rope continue d’investir dans des méthodes de test avancées et développe ses propres outils et méthodes d’analyse. “Un des moyens de déterminer la durée de vie d’un matériau est par exemple la caractérisation accélérée en fatigue par auto-échauffement. La mesure de l’augmentation quantifiée de la température du cordage pendant le cyclage permettrait d’alerter sur une probable dégradation du cordage.” Yoan précise que “cette méthode existe déjà pour les métaux, les plastiques et les composites. J’ai eu l’occasion de la tester sur du cordage en Nylon immergé dans de l’eau pendant ma thèse à l’ENSTA Bretagne. Les résultats étaient encourageants même si cette méthode n’est pas encore certifiée dans ces conditions.”
Pour garantir la durée de vie de ses produits, Ino-Rope accompagne par ailleurs ses clients dans l’intégration des solutions textiles au sein de leur environnement, en optimisant les chemins de cordages, en proposant des poulies et des connecteurs adaptés, en adaptant les rayons de courbure ou en vérifiant l’état des surfaces de frottement, entre autres.
En conclusion, la maîtrise de la durée de vie des cordages est un enjeu crucial pour Ino-Rope, impliquant une approche scientifique rigoureuse et des investissements continus dans la recherche et le développement. Cette expertise permet non seulement d’améliorer la fiabilité et la performance des produits, mais aussi d’offrir un meilleur service aux clients en anticipant les besoins de maintenance et en innovant constamment. L’engagement d’Ino-Rope dans ce domaine souligne son rôle de leader dans l’industrie des câbles textiles, en particulier pour les applications maritimes et industrielles exigeantes.
Expert scientifique et référent expérimental, Yoan filme la mise sous tension et la rupture des cordages pour les analyser. Photo : Cécile Hoynant.
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