Entretien : Thibault Reinhart, PDG d’Ino-Rope

Entretien avec Thibault Reinhart, PDG de la société Ino-Rope

[OUEST FRANCE]

Le 05/03/2019
L’entreprise Ino-Rope passe la seconde
La société poursuit son chemin vers l’industrialisation. Après son déménagement dans la zone de Kersalé fin 2017, elle se recentre sur son cœur de métier : la fibre high-tech.
Ino-Rope poursuit sa mutation de la start-up vers l’entreprise industrielle ?

Après le déménagement de la société, de Kaïros, au Moros, vers la zone de Kersalé fin 2017, notre principal travail en 2018 a été de structurer l’entreprise après la fusion avec notre boutique sur le site internet (shop.inorope.com). On a aujourd’hui trois pôles : technologie-innovation-recherche, développement-production et communication-marketing-commerce. Cette mutation était nécessaire pour rationaliser la production avec un vrai service commercial.

L’entreprise s’est fait connaître par son astucieuse poulie à axe textile, l’Ino-Block. Votre ambition alors était de lui faire une place au soleil dans la course au large. Où en êtes vous aujourd’hui ?

Nos poulies ont été le fer de lance d’Ino-Rope. Au début de la société, notre ambition était d’équiper tous les bateaux de la course au large. Mais il y a toujours un problème d’acceptation de concept, alors qu’aucune n’a cassé dans les courses. Certains n’y croient pas. On avait pourtant des poulies sur le bateau de Francis Joyon qui a remporté la dernière Route du Rhum en Ultime. Mais aujourd’hui, on a décidé de lever le pied sur la course au large. Ou tout au moins de ne se concentrer que sur les projets qualifiés.

Pour cibler quel marché ?

 

On travaille beaucoup pour le chantier RM Fora Marine, à La Rochelle, pour lequel on fait tous les cordages standardisés. Notre objectif en 2019 est de travailler avec plus de chantiers en Europe et, évidemment, de trouver des revendeurs pour nos poulies

Cordages, poulies. Finalement, c’est quoi votre cœur de métier aujourd’hui ?

C’est l’intégration des fibres high-tech plus que les poulies. On est capable, pour des problématiques précises, de concevoir une solution textile et de la produire en série dans tous les secteurs. Notamment pour l’industrie. À l’instar de notre collaboration avec RM Fora Marine, le nautisme est un super laboratoire pour durcir nos process à tous les niveaux, afin de pouvoir produire pour le secteur industriel.

En ciblant aussi le particulier ?

Fin 2017, on a sorti deux plus petites poulies pour aller sur le bateau de monsieur Tout-le-Monde. Elles sont assemblées par l’Établissement et service d’aide par le travail (Esat) de Concarneau, au Moros. On travaille avec eux depuis deux ans. C’est une vraie fierté. Et aussi une manière de produire en France et en circuit court.

Vous avez lancé une procédure après une contrefaçon de vos poulies à axe textile. Où en est-elle ?

On espère un jugement en notre faveur. Le brevet français a été tamponné en 2017. Le brevet européen en mai 2018. Mais c’est très compliqué.

Fin 2018, vos innovations ont séduit le public européen…

Au salon de Mets 2018 à Amsterdam, on a présenté trois innovations produites dans nos ateliers depuis le début de l’année : la poulie ouvrante en axe textile qui permet de passer le cordage directement dedans ; une butée de drisse dont les coureurs raffolent puisqu’elle permet de hisser la voile un petit plus sur le mât ; et une cadène (point fixe sur un bateau qui accueille des cordages) en aluminium co-développée avec VMG, un bureau d’études suisse, pour laquelle
on a reçu une mention spéciale.

Et l’industrie ?

On continue de travailler sur nos lignes de mouillage. Il y a deux ans, nous avons répondu à une problématique sur l’archipel des Glénan classé en zone Natura 2000. Les chaînes de mouillage traditionnelles en métal abîment les fonds. On en a remplacé une douzaine par du textile à l’été 2017. Elles ont fait un deuxième été avec succès. On voit que les herbiers repoussent. Il faudra attendre encore un an pour que nos chaînes soient estampillées Natura 2000. Au bout, il y a un marché du mouillage énorme. Dans le Finistère et dans le monde… À Lesconil, nous avons également reconstruit tout le parc d’Algolesko avec du textile pour leur production d’algues. Nous collaborons aussi, au niveau des cordages, sur un gros projet Airbus, Airseas, dont le but est de développer un kite pour les cargos afin qu’il puisse utiliser la force du vent pour avancer. Si le projet marche, l’entreprise changera de dimension.

Recueilli par Catherine GENTRIC.